L’innovation à la SSR

Le paysage médiatique et technologique est en constante évolution – une évolution que suit la SSR, en laissant notamment de l'espace à l'innovation dans toutes ses unités d'entreprise. Deux de ses projets, l'app «Donate a Sign» et le Metalounge RTR, montrent que les idées créatives peuvent rapidement être concrétisées en projets interdisciplinaires.

Rahel Luder est responsable Innovation chez SWISS TXT. En tant que centre de compétence pour les services d'accessibilité de la SSR, la filiale produit notamment des vidéos en langue des signes pour la RSI, pour la RTS et pour SRF, de même que pour des institutions et entreprises publiques. La jeune femme de 25 ans se consacre actuellement à un projet de recherche sur la traduction en langue des signes; elle en explique l'intention: «A long terme, notre objectif est de développer des informations en totale accessibilité pour les personnes atteintes dans leur audition. Pour cela, nous envisageons d'utiliser également un modèle de traduction assisté par ordinateur.» Ce modèle doit permettre de restituer directement, à l'aide de l'intelligence artificielle (IA) et sous forme de vidéos en langue des signes, des contenus textes sur le web ou dans des applications. Rahel précise: «Nous voulons traduire les textes écrits car pour de nombreuses personnes souffrant de handicap auditif, la langue des signes est leur langue maternelle. Pour ces personnes, les textes écrits ne sont pas toujours parfaitement compréhensibles parce qu'ils sont trop éloignés grammaticalement de la langue signée.»

«Pour qu'un modèle de traduction fournisse des résultats fiables, il faut une immense quantité de données.»

Rahel Luder,
responsable Innovation chez SWISS TXT
(image: SWISS TXT)

Le modèle de traduction, basé sur l'IA, est programmé par une équipe de recherche de l'Université de Zurich avec laquelle collaborent Rahel et ses collègues. La cheffe de projet souligne que pour pouvoir entraîner ce modèle, il fallait une multitude de données. Cela englobe la gestuelle, les mimiques et les signes sous forme visuelle de même que leur traduction sous forme de texte. Beaucoup de ces données ont pu être mises à disposition par SWISS TXT, elle-même productrice de traductions en langue des signes. Mais les données en dialecte et en allemand restaient insuffisantes: si les signes pour «médecin» et «femme» existaient, il manquait par exemple le terme «doctoresse», tout comme de nombreux termes usuels comme le phénomène météorologique «El Niño». Pour Rahel, c'est bien là qu'était le problème: «Pour qu'un modèle de traduction fournisse des résultats fiables, il faut une immense quantité de données.»

Mais comment enrichir efficacement un vocabulaire numérique en langue des signes, sans pour autant faire exploser le budget? La Bernoise et ses collègues ont alors eu l'idée d'une app regroupant des vidéos en langue des signes, une idée qu'il.elles ont soumise à l'édition 2023 des Hackdays SSR, à Zurich. Durant l'événement, une équipe interdisciplinaire – composée de représentant.es de plusieurs unités de la SSR ainsi que d'une collègue sourde et d'un spécialiste IT externe – s'est penchée durant deux jours sur l'élaboration d'un prototype, tant et si bien que celui-ci a convaincu le jury et remporté la compétition.
 

Mariana Wirz,
spécialiste Offre & Innovation à la SSR et responsable du projet Hackdays (image: Priscilla Moura)

Les Hackdays SSR sont l'occasion, pour des ingénieur.es software et hardware, des designers, des journalistes et d'autres spécialistes, de s'essayer à de nouveaux produits et à de nouvelle approches. Il.elles se penchent par exemple sur l'utilisation de l'intelligence artificielle, sur les customer bots ou encore sur la question de l'interactivité utilisateur.trice, peuvent soumettre leurs idées sur place à des utilisateur.trices-test et développer des prototypes sur la base de leurs retours, pour finalement les présenter au jury en fin de manifestation. La cheffe de projet Marian Wirz est très enthousiaste: «Pour la SSR, les Hackdays sont un véritable vivier d'idées de produits. En deux jours, on voit germer des idées qui pourront ensuite croître dans le travail quotidien.» Elle ajoute que la mise en œuvre d'un tel événement n'est pas compliquée: «L'équipement nécessaire pour les Hackdays est simplement du café, des prises électriques, une connexion Internet et un accès aux données.»

Offrir des signes pour une accessibilité accrue

«Nous avons intitulé notre app ‹Donate a Sign› (Fais don d'un signe, en français)», explique la responsable du projet, Rahel Luder. Un nom qui annonce la couleur: les utilisateur.trices qui maîtrisent la langue des signes peuvent enregistrer des vidéos de leurs signes en dialecte et en allemand pour des termes donnés, et les télécharger dans l'app. Plusieurs champs thématiques sont à leur disposition – «nourriture», «villes», «sports», etc. – eux-mêmes scindés en termes comme «riz», «Paris» ou encore «football». L'équipe vérifie toutes les vidéos ainsi téléchargées (qualité, exactitude) avant de les intégrer officiellement au vocabulaire de l'app.

Fonctionnement de l'app «Donate a Sign» (vidéo: SWISS TXT/Louis Amara)

Pour Rahel, «l'app ‹Donate a Sign› n'est qu'un outil pour parvenir au but recherché: la traduction en langue des signes. L'idée est de rassembler le plus de vidéos possible en langue des signes et d'élargir sans cesse la base de données avec laquelle nous alimentons le modèle de traduction assistée par ordinateur.» A long terme, aux fins de l'accessibilité, le modèle devrait être intégré à l'ensemble des sites web de la SSR pour que le public souffrant de déficience auditive puisse aisément accéder à ses contenus numériques. Il pourrait aussi servir d'outil pour la recherche ou pour des services publics, à l'instar de l'app officielle d'alarme «Alertswiss», qui devrait bientôt proposer ses alertes sous forme de vidéos en langue des signes également. A ce propos, l'équipe de projet est en contact étroit avec l'Office fédéral de la protection de la population (OFPP), compétent à ce sujet.

«Ce qui compte pour nous, c'est d'avoir un esprit collaboratif.»

Rahel Luder,
responsable du projet «Donate a Sign»

Mais le modèle de traduction n'est pas encore prêt, faute de données en suffisance. La prochaine étape consistera à optimiser le prototype en une véritable app. Rahel Luder: «Ce qui compte pour nous, c'est d'avoir un esprit collaboratif. Pour que de nombreuses personnes donnent des signes, nous avons donné pour consigne lors des Hackdays SSR que toutes les vidéos puissent être téléchargées dans un format anonymisé.» Ainsi, sur les enregistrements, le visage est recouvert d'un masque virtuel, et l'on a pris garde à ce que le design soit suffisamment convivial et interactif, assorti d'une possibilité d'évaluer les signes avec des émojis. A plus long terme, les utilisateur.trices devraient pouvoir télécharger eux.elles-mêmes les signes qui les intéressent, fournir leur traduction et ajouter les métadonnées comme la langue ou des catégories thématiques. Rahel explique que «l'app sera tout d'abord proposée en dialecte et en allemand. Mais d'autres langues, comme le français et l'italien, devraient s'y ajouter ultérieurement.»

Profiter des synergies à l'échelle européenne

Pour le développement de l'application, les chercheur.euses ont notamment collaboré avec des spécialistes de l'Université de Hambourg travaillant également avec la langue des signes. L'app «Donate a Sign», qui est soutenue financièrement par le Fonds d'innovation de la SSR, devrait être lancée officiellement en septembre 2024, avant que l'équipe de projet ne la présente à l'Union Européenne de Radio-Télévision (UER). Rahel Luder: «Par ce biais, nous espérons attirer l'attention de notre projet dans toute l'Europe et ainsi profiter de synergies avec d'autres médias.»

Une app pour toutes et tous

Et qu'en sera-t-il lorsque l'app contiendra suffisamment de vidéos en langue des signes et que la mission sera accomplie? «Elle continuera d'être utilisée par le public, précise Rahel, mais sous quelle forme... nous ne le savons pas encore.» L'équipe pense par exemple à convertir son projet en application de traduction, qui permettrait de traduire la langue parlée directement en langue des signes, et inversement.

Bienvenue au Metalounge

Flavio Bundi,
rédacteur en chef de RTR depuis 2017 (image: RTR)

Avec son Metalounge, RTR propose depuis peu à son public une visite virtuelle de ses studios. Mais pas n'importe quelle visite, comme l'explique dans une interview le responsable du projet et rédacteur en chef de RTR, Flavio Bundi.

Flavio, qu'est-ce que le Metalounge, précisément?

Le Metalounge, c'est une plateforme expérimentale interactive offrant au public un accès différent et attrayant à l'univers de RTR. D'aucun.es connaissent peut-être déjà le métavers, tout droit issu du gaming – un univers 3D virtuel peuplé d'avatars que l'on peut diriger individuellement. Nous voulions utiliser cette technologie pour offrir une plus-value à notre public: se divertir tout en ayant la possibilité de faire des expériences interactives. Dans le métavers, il est possible de créer des espaces thématiques adaptés à des groupes-cibles spécifiques. Nous nous concentrons actuellement sur les écoles et les contenus du domaine des compétences média.

Pouvez-vous nous en dire plus?

Dans notre Metalounge, nous avons créé cinq espaces thématiques pour des classes qui y ont un accès exclusif. Il y a par exemple la salle «fake news», où les élèves se frottent au sujet au moyen de quiz, de vidéos, d'audios et d'autres supports didactiques. Une autre permet de découvrir «le rôle des médias dans le système politique» et dans une troisième, les jeunes apprennent à produire leurs propres contenus média – du storyboard à la vidéo finale. Des représentant.es de RTR y sont également présent.es sous forme d'avatar, pour répondre aux questions du public ou pour discuter avec lui.

«Le Metalounge nous permet de toucher notre groupe-cible jeune avec des moyens innovants.»

Comment avez-vous eu l'idée d'un métalounge?

Je me suis toujours demandé comment transmettre facilement le savoir, de manière attrayante et surtout durable... Pour une émission de RTR, nous avions collaboré avec une société proposant des productions vidéo à 360°. Lors de nos discussions sur le monde numérique et ses possibilités, nous avons tout logiquement abouti au métavers et à tout ce qu'il a à offrir. Le Metalounge nous permet de toucher notre groupe-cible jeune avec des moyens innovants, et à son tour il peut concevoir des contenus dans l'environnement numérique et y apporter ses compétences – sur un terrain où il se sent chez lui.

Comment un studiolounge virtuel est-il né de votre idée?

Lorsque j'ai présenté mon idée à mes collègues du Comité de direction RTR, l'enthousiasme était palpable. Après une brève discussion, nous avons décidé de démarrer un essai. Nous avons constitué une petite équipe de projet composée d'un responsable de la société de production susdite (mettant à disposition la technologie métavers), d'un pédagogue média de RTR et de moi-même. En seulement deux mois, nous avions un premier prototype, et nous avons collaboré en même temps à la création d'un hub numérique d'éducation avec RTR Intermedia, pour mettre du matériel pédagogique à la disposition des écoles. Le Metalounge est un élément de ce hub.

«Le dialogue personnel est irremplaçable, et c'est une bonne chose.»

Le Metalounge remplacera-t-il à l'avenir les visites de studio chez RTR?

En aucun cas. Il est important de préciser que le Metalounge complète l'échange direct avec notre public. Nous continuons donc de nous rendre dans les écoles pour des cours, des journées thématiques ou des semaines de projet. Nos visites classiques de studio continuent elles aussi d'avoir lieu. Le dialogue personnel est irremplaçable, et c'est une bonne chose.

Où en est le projet Metalounge aujourd'hui, et vers quoi s'achemine-t-il?

Le Metalounge est en ligne et accessible au public depuis janvier 2024. Les premiers tests montrent que le groupe-cible jeune l'accueille favorablement; une école nous a par exemple demandé si elle pouvait y constituer sa propre salle de classe virtuelle. Nous entendons élargir encore notre palette thématique, et nos coopérations – avec «Easyvote» ou encore la Haute école spécialisée et la Haute école pédagogique des Grisons – seront très utiles dans ce cadre. Espérons qu'un jour, nous pourrons même miser sur les casques ou les gants de réalité virtuelle... de quoi permettre aux jeunes de piloter en quasi-autonomie un pupitre radio ou la régie d'une émission TV. Ce qui est super avec le Metalounge, c'est qu'on peut le façonner à loisir. Il n'y a quasi pas de limites.